Beaubourg Wine Tour Évasion Viticole

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Aux origines des vignes du Beaujolais et du Mâconnais : voyage dans le temps

Voyage au cœur des vignobles du Beaujolais et du Mâconnais

15 octobre 2025


Un terroir façonné par des siècles de culture viticole

Les paysages vallonnés du Beaujolais et du Mâconnais évoquent aujourd’hui l’excellence d’un vignoble mondialement réputé. Mais depuis quand la vigne y a-t-elle planté racine ? Derrière chaque bouteille se cachent des siècles d’histoire où s’entremêlent influences antiques, monastiques et passions locales. Revenir à l’introduction de la vigne dans ces terroirs, c’est retracer une aventure humaine et agricole exceptionnelle, où climat, géographie et traditions ont joué un rôle clé.

Premiers ceps, premières traces : l’empreinte des Romains

Avant les rangées de gamay ou de chardonnay, le Beaujolais et le Mâconnais ont vu défiler Celtes, Romains, puis Burgondes. L’introduction de la vigne dans la région remonterait à l’époque gallo-romaine, entre le Ier siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère. Les Romains, grands amateurs de vin, sont connus pour avoir essaimé la viticulture sur l’ensemble de la Gaule, cherchant les terres propices pour la culture de la vigne (source : "La vigne et le vin en Gaule", Jean-Pierre Brun, CNRS Éditions, 2003).

  • Mâconnais : Dès le Ier siècle après J.-C., la présence de la vigne est attestée dans la région de Mâcon, alors appelée Matisco. Des fouilles archéologiques y ont mis au jour des amphores, des pressoirs et d’anciens outils viticoles.
  • Beaujolais : Les traces dans le Beaujolais sont un peu plus tardives et moins nombreuses, mais divers écrits et restes retrouvés à Beaujeu, capitale historique, témoignent de plantations dès le IVe siècle, voire plus tôt dans certaines vallées proches de la Saône.

Les Romains auraient introduit des variétés aujourd’hui disparues, mais leur démarche fut déterminante dans le développement du vignoble. Le vin était alors aussi une monnaie d’échange et un marqueur social.

L’impulsion monastique du Moyen Âge : moines et vignobles

Si la viticulture doit beaucoup aux Romains, c’est véritablement au Moyen Âge, à partir du IXe siècle, que le destin du Beaujolais et du Mâconnais bascule grâce aux ordres religieux, en particulier les bénédictins et les cisterciens. Installés à Cluny et Tournus, ils font évoluer les pratiques et la sélection des cépages.

  • Fondation de l’abbaye de Cluny (909) : ce monastère devient rapidement un moteur du développement viticole. Les moines plantent la vigne pour le vin de messe mais aussi pour le commerce, perfectionnant taille, greffe et récolte.
  • Autour de Tournus et Paray-le-Monial : la multiplication des prieurés et dépendances monastiques étend la vigne sur de nouveaux coteaux.
  • Dans le Beaujolais, ce sont d’abord des seigneuries laïques et des abbayes locales (Belleville, Savigny) qui stimulent la mise en culture, notamment du côté de Fleurie et Villié-Morgon.

Les archives de Cluny mentionnent dès le Xe siècle des redevances et dîmes payées en vin, preuve de l’explosion de la production. À cette époque, le pinot noir et des cépages blancs locaux prédominent souvent sur le gamay, qui n’apparaîtra en force qu’au XVe siècle (source : "Atlas historique des vignobles de France", Roger Dion).

Le XV siècle : triomphe du gamay et affirmation d’un vignoble distinct

L’histoire prend une tournure décisive au XVe siècle, lorsque le duc de Bourgogne Philippe le Hardi ordonne, en 1395, l’arrachage du gamay « très mauvais et déloyal plant » en Bourgogne. Ce cépage prolifique, installé notamment en Saône-et-Loire, trouve refuge dans le Beaujolais voisin, aux sols granitiques moins recherchés à l’époque.

  • Déplacement du gamay : Grâce à cette « blessure » bourguignonne, le Beaujolais, terre d’accueil, se spécialise progressivement dans ce cépage, qui façonne aujourd’hui encore son identité viticole.
  • Mâconnais : reste fidèle aux cépages blancs, dont le chardonnay, qui va prospérer sur les coteaux argilo-calcaires et donner naissance à de grands vins blancs appréciés jusqu’à la cour d’Angleterre au XVIII siècle.

Le commerce des vins s’organise à partir du XVI siècle autour des foires et par la navigation sur la Saône, reliant Mâcon à Lyon, Chalon, puis Paris. On estime qu’au XVIII siècle, plus d’un tiers de la surface agricole utile dans le Mâconnais est consacrée à la vigne ! (source : INAO, dossier « Histoire des appellations Bourgogne »).

Du XIX siècle à l’ère moderne : crises, renouveau et identité

L’histoire viticole du Beaujolais et du Mâconnais a aussi été marquée par des périodes sombres : crises de phylloxéra dans les années 1870-1890, gelées meurtrières, et mutations du marché mondial. Le phylloxéra, un minuscule insecte parasite venu des États-Unis, ravage les vignobles : dans le Mâconnais, la production de vin chute de 60 % entre 1880 et 1900.

  • Replantation sur porte-greffes américains : Cette crise sera l’occasion d’améliorer la sélection des cépages et de renforcer les qualités spécifiques des terroirs.
  • Naissance des AOC : Le concept d’appellations d’origine contrôlée (AOC), instauré en 1936, permet d’officialiser la reconnaissance des terroirs et de protéger la qualité des vins produits.

Aujourd’hui, le Beaujolais s’étend sur environ 22 500 hectares, le Mâconnais sur plus de 6 800 hectares (données Agreste 2021). Les deux régions offrent une diversité de crus, de villages et de “climats”, où chaque vin sous AOC porte la mémoire de son histoire.

Dates-clés et repères : la chronologie de la vigne locale

Période Beaujolais Mâconnais
Ier - IIIe s. Premières influences gallo-romaines, débuts documentés plus tard Présence attestée (amphores, outils viticoles, pressoirs)
IXe – XIe s. Développement sous l’impulsion monastique, expansion autour de Beaujeu Abbaye de Cluny, expansion rapide sur les coteaux
XVe s. Affirmation du gamay suite à l’édit bourguignon Développement des cépages blancs (chardonnay…)
XIXe-XXe s. Phylloxéra, reconstruction, premières AOC Mêmes crises, arrivée des premiers grands crus

Petites anecdotes et figures marquantes

  • La légende de Saint-Vincent : Patron des vignerons, Saint-Vincent est célébré chaque année dans les villages du Beaujolais et du Mâconnais. Il symbolise la solidarité du monde viticole depuis le Moyen Âge, où chaque corporation avait son saint protecteur.
  • Les “chambres de vigne” : Au XIX siècle, il n’était pas rare de voir des chambres construites à flanc de coteaux où les vignerons vivaient pendant les vendanges.
  • La conquête anglaise : Les vins du Mâconnais étaient si réputés au XVIII siècle qu’ils furent exportés jusque chez les lords anglais via le port d’Auxerre, alors un des plus importants pour le négoce fluvial.

Aujourd’hui, transmission et renouveau

Le Beaujolais comme le Mâconnais continuent d’écrire leur histoire : on y expérimente de nouveaux modes de culture (bio, biodynamie), on redécouvre des cépages oubliés (l’aligoté dans le Mâconnais, le chardonnay noir…), et le patrimoine bâti comme viticole attire chaque année des milliers de visiteurs.

Le chemin parcouru, des amphores gallo-romaines aux caves modernes, témoigne d’un héritage toujours vivant. Les vignes, plantées il y a près de 2 000 ans, font du Beaujolais et du Mâconnais des terres de mémoire, de convivialité et d’innovation au fil des siècles.

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