Les paysages vallonnés du Beaujolais et du Mâconnais évoquent aujourd’hui l’excellence d’un vignoble mondialement réputé. Mais depuis quand la vigne y a-t-elle planté racine ? Derrière chaque bouteille se cachent des siècles d’histoire où s’entremêlent influences antiques, monastiques et passions locales. Revenir à l’introduction de la vigne dans ces terroirs, c’est retracer une aventure humaine et agricole exceptionnelle, où climat, géographie et traditions ont joué un rôle clé.
Avant les rangées de gamay ou de chardonnay, le Beaujolais et le Mâconnais ont vu défiler Celtes, Romains, puis Burgondes. L’introduction de la vigne dans la région remonterait à l’époque gallo-romaine, entre le Ier siècle avant notre ère et le IIIe siècle de notre ère. Les Romains, grands amateurs de vin, sont connus pour avoir essaimé la viticulture sur l’ensemble de la Gaule, cherchant les terres propices pour la culture de la vigne (source : "La vigne et le vin en Gaule", Jean-Pierre Brun, CNRS Éditions, 2003).
Les Romains auraient introduit des variétés aujourd’hui disparues, mais leur démarche fut déterminante dans le développement du vignoble. Le vin était alors aussi une monnaie d’échange et un marqueur social.
Si la viticulture doit beaucoup aux Romains, c’est véritablement au Moyen Âge, à partir du IXe siècle, que le destin du Beaujolais et du Mâconnais bascule grâce aux ordres religieux, en particulier les bénédictins et les cisterciens. Installés à Cluny et Tournus, ils font évoluer les pratiques et la sélection des cépages.
Les archives de Cluny mentionnent dès le Xe siècle des redevances et dîmes payées en vin, preuve de l’explosion de la production. À cette époque, le pinot noir et des cépages blancs locaux prédominent souvent sur le gamay, qui n’apparaîtra en force qu’au XVe siècle (source : "Atlas historique des vignobles de France", Roger Dion).
L’histoire prend une tournure décisive au XVe siècle, lorsque le duc de Bourgogne Philippe le Hardi ordonne, en 1395, l’arrachage du gamay « très mauvais et déloyal plant » en Bourgogne. Ce cépage prolifique, installé notamment en Saône-et-Loire, trouve refuge dans le Beaujolais voisin, aux sols granitiques moins recherchés à l’époque.
Le commerce des vins s’organise à partir du XVI siècle autour des foires et par la navigation sur la Saône, reliant Mâcon à Lyon, Chalon, puis Paris. On estime qu’au XVIII siècle, plus d’un tiers de la surface agricole utile dans le Mâconnais est consacrée à la vigne ! (source : INAO, dossier « Histoire des appellations Bourgogne »).
L’histoire viticole du Beaujolais et du Mâconnais a aussi été marquée par des périodes sombres : crises de phylloxéra dans les années 1870-1890, gelées meurtrières, et mutations du marché mondial. Le phylloxéra, un minuscule insecte parasite venu des États-Unis, ravage les vignobles : dans le Mâconnais, la production de vin chute de 60 % entre 1880 et 1900.
Aujourd’hui, le Beaujolais s’étend sur environ 22 500 hectares, le Mâconnais sur plus de 6 800 hectares (données Agreste 2021). Les deux régions offrent une diversité de crus, de villages et de “climats”, où chaque vin sous AOC porte la mémoire de son histoire.
Période | Beaujolais | Mâconnais |
---|---|---|
Ier - IIIe s. | Premières influences gallo-romaines, débuts documentés plus tard | Présence attestée (amphores, outils viticoles, pressoirs) |
IXe – XIe s. | Développement sous l’impulsion monastique, expansion autour de Beaujeu | Abbaye de Cluny, expansion rapide sur les coteaux |
XVe s. | Affirmation du gamay suite à l’édit bourguignon | Développement des cépages blancs (chardonnay…) |
XIXe-XXe s. | Phylloxéra, reconstruction, premières AOC | Mêmes crises, arrivée des premiers grands crus |
Le Beaujolais comme le Mâconnais continuent d’écrire leur histoire : on y expérimente de nouveaux modes de culture (bio, biodynamie), on redécouvre des cépages oubliés (l’aligoté dans le Mâconnais, le chardonnay noir…), et le patrimoine bâti comme viticole attire chaque année des milliers de visiteurs.
Le chemin parcouru, des amphores gallo-romaines aux caves modernes, témoigne d’un héritage toujours vivant. Les vignes, plantées il y a près de 2 000 ans, font du Beaujolais et du Mâconnais des terres de mémoire, de convivialité et d’innovation au fil des siècles.
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