Le Beaujolais et le Mâconnais, tout au nord de l’ancienne Bourgogne, sont aujourd’hui réputés pour leurs vins de caractère. Mais avant que ces paysages de vignes ne façonnent l’identité de la région, ils ont été des terres d’échanges, marquées par une histoire millénaire, intimement liée au développement du christianisme en Europe de l’Ouest. Dès le haut Moyen Âge, des communautés monastiques s’y sont installées, posant les premières pierres – parfois littéralement – d’une tradition viticole toujours vivante.
Pourquoi tant de monastères dans ces vallées et coteaux ? Grâce à leur emplacement stratégique : la Saône, voie de commerce essentielle dès l’Antiquité, attire populations et pèlerins. À cheval entre Lyon, devenue capitale religieuse et intellectuelle (notamment grâce au rayonnement de l’Abbaye d’Ainay), Cluny, puis Mâcon, ces terres ne pouvaient qu’attirer des moines en quête de terres propices à la spiritualité… et à la culture de la vigne.
Si la vigne existait en Gaule dès l’Antiquité, c’est bien entre le IX et le XII siècle que le métier de vigneron prend une nouvelle dimension. Les moines, obéissant à la règle de saint Benoît (« ora et labora », prie et travaille), lient spiritualité, rigueur et savoir-faire technique.
Petite anecdote : dès le XII siècle, certains monastères du Mâconnais, comme Saint-Philippe de Cluny, produisaient assez de vin pour en livrer jusqu’à l’évêché de Lyon, ce qui représentait parfois plus de 100 tonneaux par an !
Au fil des siècles, les communautés religieuses perfectionnent la maîtrise du vignoble et de la vinification. Leur approche, basée sur l’expérimentation patiente et l’échange de savoirs entre monastères, s’avère déterminante. Voici quelques-unes de leurs grandes contributions :
Le témoignage de l’architecte Viollet-le-Duc au XIX siècle sur les abbayes du Mâconnais fait état de caves voûtées « d’une hauteur et d’une robustesse rares », adaptées à la conservation du vin sur plusieurs années (Source: Dictionnaire raisonné de l’architecture française).
Le rayonnement du vin des moines dépasse vite les abbayes et les villages. Grâce aux dons seigneuriaux et à la gestion inventive du patrimoine viticole, les monastères possèdent parfois des centaines d’hectares, comme Cluny au XII siècle (plus de 250 hectares en exploitation, source : Archives Départementales de Saône-et-Loire).
À l’autre extrémité de la Bourgogne, les Hospices de Beaune sont célèbres pour leur vente aux enchères de vins, organisée depuis 1859. Ce modèle caritatif, initié en partie par la gestion monastique du vignoble, s’inspire de l’hospitalité médiévale et de l'esprit de partage, hérité de ces siècles où moines et vignerons travaillaient main dans la main.
La Révolution française marque un tournant : les biens ecclésiastiques sont saisis et vendus, morcelant un vignoble patiemment constitué. Une donnée à garder en tête : en 1791, dans le Mâconnais et le Beaujolais, près de 60 % des meilleures terres viticoles étaient entre les mains d’abbayes et prieurés (source : Institut national de l’Origine et de la Qualité - INAO).
Pourtant, héritage monastique ne rime pas avec passé révolu. Beaucoup d’anciennes granges, caves et clos subsistent, parfois habités par des descendants de paysans ou modifiés après la Révolution, mais conservant la structure et l’esprit du terroir inventé par les moines.
Explorer le Beaujolais et le Mâconnais avec un œil « monastique », c’est plonger dans une histoire d’innovation, de partage, et de traditions qui perdurent.
De Juliénas à Fuissé, en passant par les pentes sereines de Brouilly ou les combes du mâconnais, chaque vigne raconte – et perpétue – le patient labeur des moines, bâtisseurs de paysages et passeurs de traditions.
Pour en apprendre davantage : Site de l’Abbaye de Cluny – Dossier INAO – Le livre Le Vin en Bourgogne au Moyen Âge de Philippe Meyzie (Presses Universitaires de Rennes).
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