Beaubourg Wine Tour Évasion Viticole

Beaubourg Wine Tour Évasion Viticole

De la prière à la treille : le Moyen Âge, fer de lance de la viticulture en Beaujolais et Mâconnais

Voyage au cœur des vignobles du Beaujolais et du Mâconnais

23 octobre 2025


Le rôle central des abbayes et des ordres monastiques

À partir du IX siècle, l’expansion du christianisme et le développement des abbayes jouent un rôle clé dans la renaissance de la viticulture dans l’actuel Beaujolais et Mâconnais. Les moines de Cluny, dont l’abbaye fut fondée en 910 (source : Cluny – Abbaye et cité, éditions du patrimoine), deviennent des pionniers de l’art de la vigne.

  • Gestion foncière et innovations : Les grandes abbayes possèdent d’immenses domaines terriens. En plus d’assurer leur subsistance, elles développent la vigne pour produire des vins de messe et pour le commerce, adoptant et propageant des méthodes de taille, de greffe et de vinification.
  • Premiers cadastres et cartographies : À partir du XI siècle, les moines prennent soin de consigner l’emplacement précis des parcelles, leur productivité, et même leurs caractéristiques de sol, posant les bases des futurs « climats » bourguignons reconnus plus tard par l’UNESCO (source : Inventaire du patrimoine viticole de Bourgogne, Région Bourgogne-Franche-Comté).
  • Structuration sociale : Les abbayes servent d’employeurs locaux : serfs, artisans, journaliers, mais aussi « cellériers » (gestionnaires de caves) tissent tout un pan de la société autour des vignes.

Pouvoirs laïques et essor commercial : la vigne, un actif stratégique

Si les moines ouvrent la voie, les seigneurs locaux ne tardent pas à percevoir l’avantage stratégique de la vigne. Entre le XII et le XIV siècle, les actes notariés montrent l’importance croissante des vignes dans les transmissions de biens – la vigne devenant synonyme de richesse, car moins soumise que le blé aux ravages des guerres et des pillages (source : Michel Mollat, La vie quotidienne en Bourgogne au Moyen Âge).

  • Multiplication des concessions et des baux : Les terres viticoles sont souvent transmises en fief ou données à bail « à part de fruit » : le cultivateur reverse une part de la récolte au seigneur, ce qui favorise la diffusion rapide de nouvelles plantations.
  • Protection fiscale : Certaines juridictions exemptent en partie la production de vin des dîmes (impôts ecclésiastiques), pour encourager cette culture prometteuse.
  • Débouchés extérieurs : Le vin du Mâconnais, par exemple, traverse déjà la Loire pour gagner l’Angleterre dès le XIII siècle (source : Archives départementales de Saône-et-Loire, dossiers sur l’exportation des vins).

Des évolutions techniques décisives

Le Moyen Âge n’est pas qu’une époque de dévotion et de conquêtes territoriales : c’est aussi celle de profonds progrès agronomiques portés par l’observation et l’expérience accumulée dans les celliers monastiques et seigneuriaux.

  • La taille courte (ou « taille en gobelet »): Cette invention, attestée dans des manuscrits du XIV siècle conservés au musée du Vin de Bourgogne, permet une meilleure maîtrise de la vigueur de la vigne, favorisant la régularité des rendements et la qualité des raisins.
  • Usage du pressoir à vis : L’introduction, vers le XII siècle, du pressoir à vis (en remplacement des systèmes de pressurage rudimentaires) permet d’extraire davantage de jus et d’améliorer la conservation du vin.
  • Début de la sélection parcellaire : Les moines – fins observateurs – commencent à isoler les « meilleures terres » pour certaines variétés, notamment l’ancêtre du gamay et du pinot noir, pressentant l’importance du terroir (source : « Vignerons et vins au Moyen Âge », le Monde, 16/06/2015).

Chronique de la vigne médiévale : anecdotes et repères marquants

  • Prenez la route ! Le Parlement de Paris, au XIV siècle, mentionne la route des vins du Mâconnais, prisée des marchands, qui empruntaient la Saône pour transporter les tonneaux jusqu’à Lyon et en Avignon, puis vers la Suisse et l’Allemagne.
  • Au cœur de la cité : La ville de Mâcon accueille, selon les documents municipaux de 1321, pas moins de 180 propriétés viticoles intra-muros ! Nombre de caves médiévales subsistent, bien cachées sous les rues du centre historique (source : Mâcon, une histoire de caves, Apprendre en Bourgogne).
  • Le Beaujolais déjà célèbre : En 1395, le duc Philippe le Hardi prend position contre le « vil plant gamay » au profit du pinot noir en Côte d’Or. Mais en Beaujolais, le gamay perdure et conquiert même la plupart des terroirs, confirmant une identité propre, déjà bien ancrée (source : Le ban de Gamay, Les amis du Beaujolais).
  • Les chiffres qui parlent : Selon une étude menée par l’Université de Bourgogne, la surface plantée en vigne en Saône-et-Loire est multipliée par 4 entre le XII et le XVe siècle, atteignant dès la fin du Moyen Âge près de 20 000 hectares cumulés sur la zone Beaujolais / Mâconnais (source : E. Peynaud, Histoire de la Vigne et du Vin).

Les traces encore visibles aujourd’hui : héritage dans les paysages et les traditions

  • Les clos et murets : La tradition des parcelles ceintes de murs ou de haies, très présente dans le Mâconnais, remonte directement à la gestion familiale ou monastique médiévale, quand il fallait protéger la vigne des voleurs ou des troupeaux en divagation.
  • Chemins et cadastres : De nombreux « chemins de vignes » empruntent encore aujourd’hui les tracés médiévaux reliant les exploitations aux églises ou marchés de bourg.
  • Calendriers et fêtes locales : Certaines fêtes de la Saint-Vincent, saint patron des vignerons, trouvent leur origine dans les confréries médiévales – à Charnay-lès-Mâcon, la fête remonte au XIV siècle (source : Confrérie des Chevaliers du Tastevin).
  • Patrimoine bâti : Il est possible de visiter des pressoirs monumentaux, d’anciennes cuveries voûtées du Moyen Âge, notamment à Cluny, Romanèche-Thorins ou Saint-Amour-Bellevue, témoignant du foisonnement d’activité que générait l’or rouge du pays.

L’héritage médiéval toujours vivant

En creusant dans les mémoires, les paysages et jusque dans les caves, l’empreinte du Moyen Âge sur les vignobles du Beaujolais et du Mâconnais voyage à travers les siècles. Finalement, les pratiques viticoles, la structuration des terroirs, l’importance donnée au patrimoine et aux fêtes du vin plongent leurs racines dans ces temps anciens, où la vigne, patiemment domptée par une alliance de foi et d’audace, a trouvé ici un de ses plus beaux terrains de jeu. Aujourd’hui, chaque verre trinqué entre amis ou partagé dans une cave, quelque part entre côteaux et villages, rappelle un geste vieux de plus de mille ans – preuve, s’il en fallait encore, que le Moyen Âge a bel et bien semé les promesses de nos plus belles cuvées.

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