Avant de remonter dans le verre, le vin s’écrit d’abord sous nos pieds. Dans tout le Beaujolais et le Mâconnais, c’est bien la variété des sols qui façonne la diversité des vins : texture, richesse, capacité à retenir l’eau, nature des minéraux… Chaque détail influence la façon dont les vignes poussent, et la manière dont elles expriment leur cépage fétiche : le gamay au nord, le chardonnay au sud.
De Villefranche-sur-Saône à Mâcon, en passant par Juliénas ou Clessé, les géologues relèvent pas moins de 200 types de sols distincts (source : Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, 2023). Alors, explorons ce puzzle passionnant, secteur par secteur.
Le nord du Beaujolais, autour de Villefranche-sur-Saône, Fleurie ou Morgon, est dominé par des granites altérés, vieux de plus de 350 millions d’années. Ce sont des sols acides, légers, sableux en surface, riches en quartz et feldspaths, où le gamay trouve son terrain de jeu favori.
En s’éloignant du cœur granitique, la géologie s’enrichit de bandes de schistes bruns et de grès, souvent mêlés à des argiles limoneuses (“silt”). Ces formations, parfois bien visibles dans les parcelles de Brouilly ou Côte de Brouilly, apportent structure et ampleur.
Le sud du Beaujolais offre un basculement progressif vers des sols plus argileux et calcaires, prolongement logique du Mâconnais voisin. Ces terres accueillent d’ailleurs une petite production de chardonnay (“Beaujolais blanc”) et d’excellents rosés.
Le Mâconnais, au sud de la Bourgogne, est d’abord une terre de calcaires, formés durant l’ère jurassique (150 à 180 millions d’années). Ces couches blanches, parfois affleurantes, se remarquent tout de suite dans le paysage, en falaises ou en affleurements (Roche de Solutré, Roche de Vergisson).
En alternance, le Mâconnais surprend par ses intercalations d’argiles grises et de marnes (mélange argilo-calcaire). Ces sols se resserrent autour de Mâcon, Lugny ou encore Saint-Véran, et diffusent doucement l’eau et la chaleur aux vignes.
Impossible d’évoquer les sols du Mâconnais sans s’arrêter sur cet éperon calcaire, vieux de 160 millions d’années, classé Grand Site de France. La Roche de Solutré a été sculptée par la mer, puis par l’érosion, laissant un calcaire particulièrement pur où s’ancrent aujourd’hui des vignes d’exception. Les vins issus de ses flancs sont puissants, élégants, longs en bouche, recherchés dans le monde entier (source : Unesco, 2021).
Les conséquences sur le vin sont loin d’être anecdotiques. Même avec le même cépage, les nuances d’un terroir à l’autre sont saisissantes.
Un détail qui fait rêver : à Morgon, le climat “Côte du Py” est isolé sur un ancien cratère volcanique, recouvert de schistes friables, d’argiles bleues et de manganèse. C’est là que naissent les mots “il a morgonné” pour décrire un vin qui “goûte le Py”, gorgé d’un caractère unique (source : INAO).
Si la nature donne le ton, c’est le vigneron qui, chaque jour, observe, laboure, privilégie ou non l’enherbement, adapte la densité de plantation pour respecter la vigueur des racines, et façonne ainsi la personnalité du vin.
Aujourd’hui, les deux régions comptent plus de 40 % de domaines certifiés ou en conversion bio (source : Agence Bio, 2023), gage de cette volonté de renouer avec le sol vivant.
S’il fallait garder une image du Beaujolais et du Mâconnais, ce serait celle d’un sol vivant, riche de contrastes et de surprises, dont le moindre recoin influe sur le vin. Outre le plaisir de la dégustation, la découverte de la géologie offre de nouvelles clés pour comprendre ce qui rend chaque cuvée unique. Un terrain de jeu passionnant, à explorer verre en main… ou chaussures de randonnée aux pieds.
Sources : Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB), Vins du Beaujolais, INAO, Agence Bio, Unesco, Géologie du Beaujolais – Jean-Paul Blanchet (Édisud)
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